Premier bilan, axes stratégiques… le président de la FFR résume son plan d’attaque à une belle formule clé : « au rugby, on ne transforme pas que des essais, on transforme les personnes »
Son fils l’appelle « le nain » apprend-t-on dans « Le Parisien » (et qu’il est pur jus). Avec ses 110 kilos bon poids et son mètre 90, son expérience de deuxième ligne au Paris Université Club aussi, Florian Grill a su jouer des épaules pour s’imposer à la présidence de la Fédération Française de Rugby, coincée de longs mois de façon ubuesque entre mêlées de prétendants et démêlés judiciaires.
Après deux échecs contre Bernard Laporte, ce diplômé d’HEC, patron de l’agence de com’ et marketing CoSpirit, a pris finalement ses fonctions le 14 juin dernier, à quelques semaines à peine de la Coupe du monde. Le 14 octobre, il fêtera ses 58 ans, le jour du quart de finale programmé du XV de France. Il y a des « hasards » de calendrier et d’alignement de planètes comme ça… Interview.
Votre première analyse sur cette Coupe du monde à la maison à mi-parcours ?
« C’est la Coupe du monde de tous les superlatifs. On a fait 17 millions de téléspectateurs sans comptabiliser les fans zone partout en France, pour le match d’ouverture remporté contre les All Blacks, des scores de football, bien plus que la finale de la Ligue des champions ; on est à plus de deux milliards de connexion sur les réseaux sociaux dans le monde. C’est du jamais vu. Il y a surtout une ambiance, de convivialité, de partage, de sourires, c’est l’esprit du rugby le premier vainqueur de ce Mondial.
Les Français se sont mobilisés de façon incroyable, il y a des manifestations dans toutes les villes et villages de France, petites, moyennes ou grandes, comme la Coupe du monde des enfants chez vous dans les Alpilles remportée par la Nouvelle-Zélande ou le Mondial amateur organisé dans la Région Sud avec la finale à Digne-les-Bains, gagnée par l’Afrique du sud, et avec des clubs représentant les mêmes nations que celles engagées dans la Coupe du monde.
C’est hors normes. Penser à faire ça, c’était fou. Le faire, c’est au-delà encore».
C’est quoi votre premier combat de la fédé ?
« Les jeunes. On a 1950 clubs amateurs et 350 000 licenciés. On est le deuxième sport en France en termes d’audience, mais le dixième seulement en nombre de licenciés. La dimension sportive ne doit pas cacher la dimension éducative, prioritaire, de façon quasi absolue même. On voit bien à quel point aujourd’hui certaines valeurs ont besoin d’être inculquées aux gamins et aux jeunes en manque de repères dans notre société. Le rugby, par essence, par nature, peut le faire. C’est d’abord une école de vie et ce n’est pas qu’une formule éculée, c’est déjà une réalité dans toutes les actions méconnues des clubs. C’est un objectif. Le respect, la solidarité, la loyauté, la capacité à faire la fête aussi ce n’est pas incompatible, sont les socles de notre histoire et nos valeurs-guides pour demain. Sachant que demain, avec la lumière médiatique posée sur notre sport, c’est aujourd’hui».
« Au rugby, on ne transforme pas
que des essais, on transforme les personnes »
Comment inverser ce grand écart entre la popularité et la réalité des licenciés ?
« En aidant les clubs à augmenter le nombre de joueurs et le nombre de bénévoles. Nous avons un rôle sociétal aussi important que le niveau sportif. Concrètement, la Coupe du monde, qui bat des records positifs et devient un outil formidable de communication, nous donne l’occasion d’attirer dès cette saison, 20 à 25% de licenciés supplémentaires.
Mon rôle en ce moment, c’est de profiter de la lumière mise sur le XV de France pour mettre en lumière notre sport et nos clubs. Le sujet, ce n’est pas le sport de haut niveau.
On doit surtout – et on a lancé des actions concrètes à ce niveau-là – faire revenir les bénévoles dans les clubs, leur faire entendre qu’ils ne sont pas uniquement là pour remplir des feuilles de matchs. Ils ont un rôle individuel majeur dans l’ambition collective d’améliorer à tous les étages la qualité de l’encadrement : au rugby, on ne transforme pas que des essais, on transforme les personnes».
Comme Provence rugby l’a fait à Aix-en-Provence avec l’école des XV ?
« Avec ce dispositif formidable, Aix est en première ligne de ce projet. En mettant en place ce dispositif d’accompagnement contre l’échec scolaire, mêlant soutien aux études et rugby fraternel, Provence est exemplaire dans ce rôle sociétal.
J’ai visité l’Ecole des XV quand j’ai rencontré les dirigeants du club, c’est incroyable. Et ce qui l’est davantage, c’est que des écoles comme celles-là ont ouvert aussi à Marseille et à Saint-Etienne grâce à Provence rugby et Voyage privé.
C’est ce type d’actions qu’il faut multiplier. Il faut bien comprendre que la vie sociale s’est longtemps organisée dans notre pays autour des clochers.
Aujourd’hui, les clubs de rugby peuvent être ces clochers d’antan, ces symboles, ces repères d’une société solidaire, respectueuse, profonde, et plus citoyenne».
Cet engouement populaire ne risque-t-il pas de s’essouffler après la Coupe du monde ?
« On a la chance d’avoir 4 temps forts en un an pour faire passer ces messages et progresser vite : la Coupe du monde, en ce moment, puis le Tournoi des VI Nations avec des matchs délocalisés du seul Stade de France, le Tournoi de rugby à 7 olympique puis paralympique des Jeux de Paris, puis le Women Fifteen, de dimension mondiale lui aussi, organisé en France. Il ne faudra donc pas se relâcher.
C’est une fenêtre rarissime et une exposition internationale providentielle pour notre sport. On est, par exemple, en train de repérer des sites stratégiques pour mettre en place ces actions de recrutement de licenciés et de bénévoles. Marseille compte 500 écoles, un million d’habitants et 3 clubs, c’est un joli terreau pour nous, pour généraliser la pratique du rugby à 5 dans les établissements, mixte, sans plaquage.
Je travaille beaucoup en ce moment avec le ministère des Sports, mais aussi ceux de l’Education Nationale et de la Santé notamment. Aix-en-Provence est déjà bien avancée sur ce chemin-là».