L’ancien capitaine du XV de France a vécu le quart de finale contre les Sud-Africains à Mauguio, petite commune près de Montpellier, avec ses amis. Récit.
L’Encierro del pueblo. Un bar typique, chaleureux, mais discret ce soir-là, en comparaison avec ses voisins. Et pourtant, quelques voix portent déjà en ce dimanche de quart de finale de coupe du monde. Celle de Christophe, le patron, « un mec assez atypique » de l’aveu même de Guilhem Guirado, capitaine de l’équipe de France de rugby à 33 reprises.
Dans ce lieu, l’ancien talonneur avait ses habitudes durant ses années montpelliéraines. « On a passé de beaux dimanches, j’apprécie l’ambiance du bar, de la place les jours de marché. J’échangeais avec des gens qui n’étaient pas uniquement du rugby. J’aime partager ». Dans cette commune de 17 000 âmes, il a noué de belles amitiés, comme celle qui le lie à Alex, « un type en or », mais aussi avec la bande de Mauguio, Arthur Vincent et Benoît Paillaugue.
Le coup de la Méhari en panne…
Dans son livre*, il raconte comment, alors que la France était encore sous couvre-feu, ils sont tombés en panne en Méhari, en plein milieu du village, alors qu’ils célébraient le titre européen du MHR, le trophée à l’arrière du véhicule, à 1h du matin. Arrêtés par la police municipale, l’anecdote s’achèvera entre photos et dédicaces, le sourire aux lèvres. Des histoires de copains, comme le rugby sait les créer pour les faire entrer dans la légende.
Ses potes, Guilhem Guirado ne les a pas oubliés. Dimanche, après avoir assisté au quart de finale entre Anglais et Fidjiens au stade Vélodrome de Marseille, le Catalan et son épouse Johanna ont naturellement fait un crochet à Mauguio, un peu chez eux. Embrassades sincères, clins d’œil complices, poignées de mains, le match pouvait démarrer. « Avant, je n’avais pas trop l’habitude de vivre ces matchs entre amis, mais j’apprécie beaucoup. Cela fait du bien, on s’ouvre un peu plus ».
Guilhem ne glissera aucun pronostic. Il laisse faire le destin. A peine s’avoue-t-il étonné de la titularisation de Duane Vermeulen, son ancien coéquipier à Toulon, avec qui il a échangé durant la semaine. « Je ne m’attendais pas à le voir aligné d’entrée. Mais il est tellement bon, solide. C’est quelqu’un qui montre l’exemple ». Le papy des Boks a fait mieux que de la résistance ! Il a ouvert la voie. Les autres (voix), celles des amis de l’Encierro, ont tenté de porter les Bleus. En vain.
Tous, sans exception, se sont étonnés des décisions (ou de l’absence de décisions) de l’arbitre néo-zélandais Ben O’Keeffe. Guilhem aussi. Avec mesure certainement, mais pas sans agacement. « On a beaucoup de questionnements sur l’arbitrage, sur les règles. Cela laisse place à l’interprétation et au doute forcément. C’est intéressant d’en parler. Mais il faut que le débat soit maîtrisé et intelligent pour que le rugby avance ».
L’ancien talonneur ne cache pas son scepticisme, malgré tout. « Il (Ben O’Keeffe) a été sur même ligne directrice tout au long du match. Il a voulu voir du rythme, avec peu d’arrêts de jeu, quasiment pas de vidéos. C’était les consignes de World rugby pour ce mondial. Et lui, en tant que bon Néo-Zélandais, il a suivi les instructions à la lettre. Je pense aussi qu’il a été influencé par les sorties de Rassie Erasmus (le directeur du rugby sud-africain, ndlr) dans la presse cette semaine ».
Le XV de France a vu son rêve se dérober d’un point. Comme en 2019, pour la dernière sortie de Guilhem Guirado sous le maillot bleu à la Coupe du monde au Japon. « Forcément, cela reste dans la tête, même si je n’ai pas à me plaindre de ma carrière. Mon dernier match, je le termine avec le Brennus ! Mais c’est difficile à digérer, c’est frustrant. Cela fait partie du haut niveau. Il faut de la fierté et de l’orgueil pour sortir dignement de ce moment difficile ».
« Il faut les laisser accepter cet échec »
Dès le lendemain, il a envoyé des messages de réconfort à « Tao », Romain Taofifenua, son pote de la rade.» Mais il faut les laisser tranquille quand même, les laisser accepter cet échec. C’est dur à vivre, je pense beaucoup à eux. Je les ai tous vu arriver ». Il se souvient encore du discours qu’il leur a tenu au Japon, dès le quart de finale achevé contre les Gallois, où il a exhorté les Dupont, Ntamack, Penaud, Alldritt et consorts à se battre pour ce maillot bleu, pour leurs frères d’armes.
« On a bouffé notre pain noir, maintenant, c’est fini ! Moi, je serai votre premier supporter, mais toutes ces petites erreurs, vous me les gommez, maintenant. Fini ! » Des propos qu’il raconte dans son ouvrage et qui résonnent encore en ce dimanche soir, à Mauguio, où les discussions ont duré tard dans le nuit. Guilhem, lui, s’en est allé dès le coup de sifflet final. Sûr, il reviendra. Comme le XV de France.
* « Tomber, se relever, toujours », paru aux éditions Solar.
Dans la grande famille de RMC
Pour ce Mondial, Guilhem Guirado a rejoint l’équipe de consultants sportifs de RMC et du Moscato show. Il apporte son expérience et son analyse, dans un esprit bon enfant et parfois potache. Un ton qui lui convient. « Cela déconne beaucoup, la discussion est débridée. J’aime parler rugby, j’apprécie Vincent (Moscato). Il nous met à l’aise, c’est sympa. RMC est très écoutée par le grand public».
Alors quand il est approché pour intervenir sur les ondes, l’ancien talonneur n’hésite pas. « Tout ce que je ne pouvais pas faire quand j’étais joueur, je me le permets. C’est une nouvelle expérience. C’est bien de voir cette nouvelle facette du rugby, ça me change de ce que j’ai connu ». L’expérience pourrait se prolonger au-delà du Mondial.