Pau : la « Black connection » de la Section

Quelques mois après avoir recruté le plus capé des All Blacks, Sam Whitelock (153 sélections), tous les regards étaient encore tournés vers la Section Paloise en ce 2 avril, le jour où ce dernier a annoncé sa retraite à la fin de la saison. Durant ces quelques mois, le deuxième ligne aura séduit tout le […]
Good bye Sam and thank you Legend

Avr 11, 2024

Avec 153 capes, Sam Withelock  s’installe pour longtemps en recordman du nombre de sélections. Le plus proche ? Aaron Smith, 114 sélections, pas loin de la retraite lui aussi – Photo MaxPPP

Nul ne l’avait vu venir. Mardi 2 avril, comme pour éviter que la nouvelle ne soit assimilée à un (mauvais) poisson, la légende Sam Whitelock a décidé de raccrocher les crampons à la fin de la saison. Une annonce surprenante alors qu’il s’était engagé avec Pau jusqu’en 2025
« J’ai deux obsessions aujourd’hui : finir ma saison avec Pau à mon meilleur niveau et ne pas faire l’année de trop, a-t-il déclaré. Ce n’est pas une décision prise à la légère. J’en ai discuté avec ma femme et mes trois enfants. Je pense que c’est la bonne décision. J’ai envie de passer plus de temps avec mes enfants, pour les voir faire du sport ». Depuis son arrivée en décembre, juste après la Coupe du monde en France, il peine tout de même à donner la pleine mesure de son talent avec sept matchs disputés seulement pour deux victoires. Mais ses coéquipiers comme le staff palois louent son investissement, sa sobriété, son engagement et son professionnalisme.  
« Depuis son arrivée, nous apprécions tous son apport direct comme indirect, il dégage une vraie culture du travail et de la gagne. Même si son aventure béarnaise s’arrêtera en juin, il laissera un héritage à ce groupe », estimait le manager palois Sébastien Piqueronies.

Depuis cette annonce, les hommages comme celui-ci se multiplient autour de la légende néo-zélandaise. Et une nouvelle fois, Pau se retrouve au cœur de l’actualité du rugby international.
Voilà quelques mois, alors que tous les projecteurs étaient braqués sur le champion du monde sud-africain Siya Kolisi et son arrivée au Racing 92, les médias français et étrangers se sont rapidement tournés vers la Section paloise, un club plus discret, plus modeste. Une frénésie provoquée par la présence de la légende néo-zélandaise Sam Whitelock chez le 12ème du dernier Top 14. Début décembre, il a posé ses valises dans le Béarn. Un recrutement rendu possible par la présence de son petit frère, Luke. 
« Je lui ai demandé si Pau était un lieu où je pouvais me sentir bien et venir en famille, et il m’a dit oui », confiait le géant All Black lors de sa présentation à la presse. « Il arrive ici avec les yeux de la découverte, poursuit le président de Pau, Bernard Pontneau. C’est un immense challenge. Quand on a ce palmarès, on peut fermer la porte, on part en haut de la pyramide. Il fait un autre pari, celui de venir dans un championnat rude, compliqué et parfois violent ». Une compétition loin des standards du Super rugby. 

Le président Bernard Pontneau hilare de son bon coup joué avec le recrutement de Sam Whitelock.
Mais ça, c’était avant… Photo Max PPP

Mais les frères Whitelock ne sont pas les seuls néo-zeds’ à avoir franchi le pas. Ils complètent une galerie impressionnante de joueurs blacks à avoir porté la tunique paloise.
Les plus illustres d’entre eux restent bien entendu le double champion du monde Conrad Smith (95 sélections, 52 matches à Pau), Colin Slade (21 sélections, 84 matches avec la Section) et Carl Hayman (45 sélections, entraîneur). Un mur des légendes auquel il faut ajouter Jimmy McIntosh, Ben Smith, Simmon Mannix ou encore Benson Stanley. Une filière reconnue par Benrard Pontneau, qui voit dans cette forte présence « Black » une raison identitaire, au sens le plus noble du terme. 
« Tous ces joueurs et entraîneurs ont trouvé dans notre culture club des choses qui leur ressemblent. Le Béarn, c’est un paysage hospitalier pour eux aussi. Je n’ai pas vu un échec d’intégration ». En témoigne le cas de Conrad Smith, dont la réussite s’explique déjà par sa volonté de maîtriser la langue de Molière. L’ancien All Black a également inscrit ses enfants dans une école française et possède toujours une maison dans le Béarn.
« Entre les personnes du club ou mes voisins, je garde de très bons amis. Les repas du week-end avec eux me manquent d’ailleurs. J’ai un bon souvenir du canard. Mon Dieu le foie gras, le magret ou le confit de canard ! Nous n’en mangeons pas en Nouvelle-Zélande », confiait-il à nos confrères d’Actu rugby. Il s’est approprié la culture du club palois, jusqu’à travailler au centre de formation. 
« Dans l’éducation néo-zélandaise, il existe cette volonté de transmettre, indique Bernard Pontneau. Conrad avait d’ailleurs réalisé une interview avec François Moncla (NDLR : une légende du club disparue en 2021 à l’âge de 89 ans). Quand ils mettent un maillot, ils regardent l’histoire avant de voir devant ». Comme son compère des lignes arrières, Colin Slade a dû quitter la Section paloise précipitamment en raison de la crise sanitaire. A regrets. 
« J’ai adoré le temps que j’ai passé à Pau. J’ai eu beaucoup de chance de venir dans ce club, c’était le plan parfait pour ma famille. On s’est sentis comme chez nous. J’aurais aimé qu’on progresse encore plus mais je pense que le club est en meilleure position que lorsque je suis arrivé en 2015. Votre pays est magnifique, j’ai vraiment de quoi être reconnaissant pour ce que j’ai vécu et découvert », avouait-il. Des propos appréciés par le président Pontneau mais qui ne l’étonnent pas.

Conrad Smith, l’autre héros palois de la filière All Blacks – Photo Max PPP

La Section paloise n’a jamais conduit une politique de starisation. Mais la culture club leur a permis d’attirer dans leurs filets des joueurs très sensibles à cette philosophie, comme les Néo-zélandais. 

« Ici, on ne voit pas les stars de la même façon »

« Même si c’est plus discret qu’au pays basque, le Béarn est une vraie terre de rugby, cette tradition est très ancrée. Ces éléments autour du club créent un lien affectif avec ces grands joueurs ». Ces arrivées ne se font pas au détriment du projet du club, toujours tourné vers la formation et l’éclosion de joueurs prometteurs comme le trois-quart centre Emilien Gailleton, sans doute une future pépite du XV de France. « Ici, on ne voit pas les stars de la même façon. On a un immense respect et d’admiration pour ces joueurs qui ont ce potentiel rugbystique et humain. Avec Whitelock, on fait un beau cadeau à nos jeunes joueurs, c’est un complément à notre projet ». L’ambition de Pau ne se résume pas à la venue de la légende All Black. Comme elle ne s’est jamais limitée aux recrutements de Conrad Smith et de Colin Slade.

Leur présence offre au club béarnais une nouvelle médiatisation tout en permettant à certains éléments de grandir un peu plus vite. « Lorsque Colin Slade est arrivé, il avait 27 ans, c’était une star, il savait tout faire ! Chez nous, Thibault Daubagna avait 20 ans. La présence de Colin Slade l’a beaucoup aidé, il a pu décoller ». Des exemples comme le demi de mêlée palois, le président Pontneau peut en citer d’autres. Au regard de ce passé, Sam Whitelock a permis au club béarnais de faire parler de lui. Ne serait-ce que par son aura. « C’est un coup de projecteur sur nous, c’est bon pour le club, l’équipe, les jeunes, les supporters. On m’arrête souvent pour me dire : « c’est top d’avoir un tel joueur ». Mais Sam, ce n’est pas que ça. Quand il parle, il en impose. C’est quelque chose de très ancré chez les Néo-zélandais. Ils ont des valeurs de collectif et d’éthique, ils pensent d’abord au groupe ». Cet état d’esprit colle à la culture de la Section paloise.

Sam Whitelock n’arrive pas non plus à Pau les mains en haut du guidon. Dès les premiers tests physiques, il a demandé les performances de son petit-frère, de Conrad Smith et de Colin Slade. Et devinez quoi ? Ils les a tous battus ! « Penser qu’il est ici en pré-retraite, c’est mal connaître les Néo-zélandais ! » Un recrutement envisagé depuis deux ans. « Avant, je savais qu’il ne viendrait pas à cause de la Coupe du monde. Mais je n’arrêtais pas de lui casser les pieds ! Je le chambrais en lui disant : « Pourquoi tu t’ennuies en Super rubgy, vient jouer en Top 14 ». On avait pris date ». Bernard Pontneau peut savourer sa réussite. Définitivement, pour faire venir des All Blacks, les plus forts, c’est les Verts… de la Section.

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